Les châtaigniers
Jean Rebier
Quand je passe, en hiver, dans la combe déserte
Où les vieux châtaigniers lèvent leurs bras noueux
Je m’arrête, pensif, devant ces bons aïeux,
Car ils ont un aspect qui glace et déconcerte.
Lépreux, tordus, troués, sous le ciel gris et froid
Ils érigent leurs troncs vêtus de moisissures,
Et perdant un sang noir par d’affreuses blessures
Ils semblent, dans la nuit, des spectres de l’Effroi.
Squelettes décharnés qu’on croirait insensibles
Ils rugissent pourtant quand le vent des hivers
Faisant craquer leurs os, fouillant leurs flancs ouverts,
Cruel et fou, s’obstine après ces tristes cibles.
Et je n’ai jamais su, passant épouvanté,
S’ils poussent, les damnés, ces clameurs frénétiques,
Et s’ils tendent leurs poings mutilés et tragiques
Pour maudire le ciel ou demander pitié.
Mais, quand viendra l’avril, sous l’écorce rugueuse
La sève coulera comme un sang généreux,
Et sur les rameaux gris, les bourgeons vigoureux
Mettront leur tache verte, éclatante et joyeuse.
Dans les branches, les nids feront leur bruit charmant,
Et les troncs torturés des châtaigniers fantômes
Redevenus vivants, s’arrondiront en dômes
Où la brise du soir chantera doucement.
Et les pelons, mûris par le soleil d’automne,
En tombant sur la mousse égrèneront encor
Leurs marrons savoureux vêtus d’ébène et d’or,
Fruits d’arrière-saison dont la splendeur étonne.
Dans les branches, les nids feront leur bruit charmant,
Et les troncs torturés des châtaigniers fantômes
Redevenus vivants, s’arrondiront en dômes
Où la brise du soir chantera doucement.
Et les pelons, mûris par le soleil d’automne,
En tombant sur la mousse égrèneront encor
Leurs marrons savoureux vêtus d’ébène et d’or,
Fruits d’arrière-saison dont la splendeur étonne.
Puis, brisé par l’ultime et magnifique effort,
Chaque tronc, laissant choir ses feuilles jaunissantes,
Plongera plus avant ses racines puissantes
Pour renaître, au printemps, plus robuste et plus fort.
Ainsi, mon Limousin, noble et fière patrie,
Tu connus l’ombre après les siècles triomphants,
Mais la sève qui rend bons et forts tes enfants
Gonfle encore ton sein, source jamais tarie !
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