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vendredi 9 mai 2025

Auguste Gaud • Les mendiants | Les rendez-vous du vers






Les mendiants




Auguste Gaud





Le soleil lentement derrière la colline,
Tel qu’un disque sanglant, à l’horizon décline.
On entend, dans le val, les appels du berger,
Et, de troublants parfums flottent dans l’air léger,
C’est l’heure où, sur les champs, tombe le crépuscule,
Dans les sentiers ombreux où la brise circule,
Vers la ferme l’on voit revenir les troupeaux.
Dans le creux des fossés s’éveillent les crapauds.
Assis en rond, autour d’un feu clair de branchages,
Les mendiants qui vont courir, par les villages,
Pour le repas du soir, déjà sont rassemblés.
La chanson des grillons vibre encore dans les blés,
Tandis qu’au firmament une étoile s’allume…

Ils sont tristes, leur cœur est rempli d’amertume.
Les paysans sont durs envers les vagabonds ;
Et ce n’est point pour eux, que leurs champs sont féconds !
Aussi, les loqueteux, une écume à la bouche,
Pâles, les poings crispés et le regard farouche,
Vomissent leur rancœur sur la société,
Dans la calme splendeur de ce beau soir d’été.

mercredi 30 avril 2025

Auguste Gaud • La vache à l'abattoir | Les rendez-vous du vers






La vache à l’abattoir




Auguste Gaud





La vache des Brichet, hier, s’est écornée,
C’était leur gagne-pain ; tout le long de l’année,
Ils vivaient du produit de son lait ; chaque jour,
La femme le portait dès l’aube aux gens du bourg…

Et, les deux pauvres vieux, songent à leur misère,
L’un dit : il vaudrait mieux ramer une galère,
Ou bien, pourrir, là-bas à l’ombre des cyprès,
Que de continuer à vivre, désormais !...

Qui donc nous donnera une aussi bonne bête,
Reprend l’autre, à quitter l’étable toujours prête,
Pour nous suivre, au printemps, tout le long des talus,
Ou dans le vallon sous les saules chevelus,

Au bord du clair ruisseau, qui court dans les prairies,
Parmi les boutons d’or et les herbes fleuries ?...
Pauvre bête ! qu’il nous faudra vendre au boucher,
Et qu’on ne pourra plus, désormais, approcher !...

Ainsi, Suzon Brichet pleurniche et se lamente,
Tandis que le vieux Jean, à la tête branlante,
Assis près du foyer, sent frissonner son corps...
Or, on entend soudain, une voix au dehors,

C’est déjà le boucher qui vient chercher la vache.
De l’étable il la sort, et par le cou l’attache,
En l’entraînant, brutal, près de son char-à-bancs ;
Les deux vieux sont sortis aphones et tremblants,

La pauvre bête est là, qui tressaille et qui meugle,
On la voit trébucher, ainsi qu’un vieil aveugle.
Elle tourne vers eux, ses suppliants regards
Et s’éloigne, tandis que mornes et hagards,

Ils maudissent le sort de leur malheur, complice
Et songent en pleurant à la bonne nourrice,
Que l’on ne verra plus, dans les ombreux chemins,
Où naguère, en beuglant, elle léchait leurs mains.

lundi 9 décembre 2024

Auguste Gaud • Vieux Noëls | Les rendez-vous du vers






Vieux Noëls




Auguste Gaud





Hier, quand je vous vis passer l’onglée aux doigts,
Trottant, frileusement, sous votre mante grise ;
Je me suis souvenu des noëls d’autrefois,
Alors que, comme vous, je marchais vers l’église.

Lorsque sonnait minuit ; quand la neige, à flocons,
Tombait ; sur le verglas, j’allais, comme un homme ivre,
Tout le long du chemin, aux angles des balcons,
Je voyais scintiller des étoiles de givre.

Les cloches égrenaient leur joyeux carillon,
Et, plus d’un franc-buveur, chantait dans les auberges ;
Dans l’église, chacun songeait au réveillon,
Tandis que sur le maître autel, brûlaient les cierges.

La petite clochette au babil argentin,
Murmurait : « Hâtons-nous, la dinde est bientôt cuite. »
Et notre vieux curé bredouillait son latin,
Puis, se tournait vers nous, disant. « La messe est dite. »

Et, tout en revenant nous songions à Jésus,
Sans oublier le bœuf et l’âne dans l’étable.
Un superbe chapon qui baignait dans son jus,
Nous attendait, chez nous, au centre de la table.

Or, maintenant, je suis et podagre et ventru ;
Et, tout en évoquant ces antiques usages,
Ce soir, au coin du feu, je bois du vin du crû,
Et dans mon verre luit l’étoile des rois mages.