jeudi 28 novembre 2024

Édouard Michaud • Veilleurs | Les rendez-vous du vers






Veilleurs




Édouard Michaud





Le ciel s’est découvert et le vent souffle immense,
Heurtant les châtaigniers dont sonnent les flancs creux,
Et les pommiers givrés qui se choquent entre eux
Sont tels qu’on peut les voir quand le printemps commence.

La lune ronde plane et c’est l’enchantement,
Le long des rus captifs d’éblouissantes gaines,
De lys fanés un peu vers les trous de fontaines,
Jusqu’au nocturne bleu de l’horizon dormant.

Soudain du coteau proche une voix mâle huche
Et le cristal de l’air s’en brise. Elle promet
Le coup de cidre et le bon coin où l’on se met
Près de l’âtre chantant des ronrons de la bûche.

Elle part de veilleurs en marche pour le bourg
Dans la bise obstinée à leurs blouses de toile,
Et qui, jugeant de l’heure au frisson de l’étoile,
Rentreront, un coq fou jetant son appel court.

Ils vont, leur pas se feutre et leur gosier loquace
Tente d’anciens couplets malgré le gel plus fort.
Le bourg s’offre et tant mieux si le vent qui se tord
Geint d’un portail mal clos que son humeur tracasse.

L’accueil sera meilleur du feu vermeil, meilleur
Sera le cidre bu sur le marron qui craque,
Et l’on se serrera comme harengs en caque
À savoir le froid vif pas très loin, bien qu’ailleurs.

Et l’on aura, surcroît qui seul les meut en somme,
Avec l’évocateur du drac, des lébèrous,
Le conteur dont l’œil rit sous un arc de poils roux,
Mal fait pour le dormeur trop épris de son somme,

Les filles, profils purs, regards nets, cheveux blonds,
Que, furtif, l’on saisit à leurs hanches précoces,
En attendant le jour tumultueux des noces
Où l’on viendra les prendre au son des violons.

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