Les rendez-vous du vers

dimanche 16 mars 2025

Comme eux

René Hyvert

Ô je pense parfois dans la douceur des soirs,

À mes chers disparus qui dorment sous la pierre.

Et je voudrais pour eux un peu de ta lumière,

Mon beau soleil auprès duquel je viens m'asseoir.

Et je songe à tous ceux que je n'ai pas pu voir...

À ceux qui morts trop tôt avaient cette âme fière,

Qu'ils m'auront par le sang transmise toute entière,

Cette âme de rebel étreinte du terroir.

Qu'étaient-ils ces aïeux ? Ils n'avaient point l'épée

Meurtrière et trop tard à leurs mains échappée,

Mais ils devaient avoir ce qui fait les heureux :

Un cœur franc, bras de fer, des bœufs roux dans l'étable,

Et le cher soc d'acier qu'on monte sur l'érable.

Et je rêve souvent d'être un rustre comme eux.

La glèbe

Jules Alby

Elle couvre les longues pentes,

Elle tapisse les vallons,

S'étend sur les plaines fuyantes

Que soulèvent des mamelons.

Massive, compacte et pulpeuse,

Lourd vêtement matelassé,

Elle ouate l'écorce rugueuse

Du globe malingre et glacé...

La Glèbe !... Matière pétrie

De sang, de poussière et de pleurs ;

Fumier sinistre, mais patrie,

Qui tient tout, les corps et les cœurs !

En son sein tout être prend germe,

Agite sa vie un moment

Sur le limoneux épiderme,

Puis retourne au noir sédiment !

Parfois de la tragique fange

S'élance une plante en sa fleur,

À l'éclat fascinant, étrange,

À la saine et fauve senteur.

« L'herbage en place », poème n°5 de mon ouvrage n°10. 1353ème poème publiable.