vendredi 20 décembre 2024

Marie Dauguet • Au ciel hivernal... | Les rendez-vous du vers






Au ciel hivernal...



Marie Dauguet




Au ciel hivernal confondus,
Des chênes en lugubres frises
Et que l’ombre fantomatise,
Dardent leurs gestes éperdus.

Comme un lourd bétail assoupi
Chargé de noirâtres crinières, —
Genêts fripés, myrtils, bruyères, —
Des rochers dorment accroupis.

Asiles pour les bêtes rousses,
Les ronciers aux vastes enceintes
S’étendent, où la vague empreinte
Des pinces au sol dur s’émousse.

Dans un repli marécageux
Du bois, un peu d’eau sombre grogne
Et très-loin une hache cogne,
Très-loin à l’horizon neigeux.

Puis s’éteint le rythme qui frappe
L’écho mort ; la paix d’un cercueil,
Et sous les baliveaux en deuil
S’étale un silence de trappe.

Voilant les rameaux corrodés,
La neige insensiblement tombe
Et, seul vivant, parmi la combe
Fuit un sanglier déhardé.

lundi 9 décembre 2024

Auguste Gaud • Vieux Noëls | Les rendez-vous du vers






Vieux Noëls




Auguste Gaud





Hier, quand je vous vis passer l’onglée aux doigts,
Trottant, frileusement, sous votre mante grise ;
Je me suis souvenu des noëls d’autrefois,
Alors que, comme vous, je marchais vers l’église.

Lorsque sonnait minuit ; quand la neige, à flocons,
Tombait ; sur le verglas, j’allais, comme un homme ivre,
Tout le long du chemin, aux angles des balcons,
Je voyais scintiller des étoiles de givre.

Les cloches égrenaient leur joyeux carillon,
Et, plus d’un franc-buveur, chantait dans les auberges ;
Dans l’église, chacun songeait au réveillon,
Tandis que sur le maître autel, brûlaient les cierges.

La petite clochette au babil argentin,
Murmurait : « Hâtons-nous, la dinde est bientôt cuite. »
Et notre vieux curé bredouillait son latin,
Puis, se tournait vers nous, disant. « La messe est dite. »

Et, tout en revenant nous songions à Jésus,
Sans oublier le bœuf et l’âne dans l’étable.
Un superbe chapon qui baignait dans son jus,
Nous attendait, chez nous, au centre de la table.

Or, maintenant, je suis et podagre et ventru ;
Et, tout en évoquant ces antiques usages,
Ce soir, au coin du feu, je bois du vin du crû,
Et dans mon verre luit l’étoile des rois mages.

Charles Chalmette • La neige | Les rendez-vous du vers






La neige



Charles Chalmette





Il a neigé ! L'hiver drôle comme un lutin
A coiffé tous les fronts de marbre avec des toques
Et fit de l'arbre, un lustre orné de pendeloques
Qui scintille aux rayons obliques du matin.

Sur la route, au rebord maintenant incertain
Il assoupit le bruit sec et frappeur des socques,
Et contris d'avoir mis tous les buissons en loques,
Étend sur eux un long manteau de blanc satin.

Au fond du parc, le faune a bien mauvaise mine !
L'hiver a son épaule attache de l'hermine,
Puis remonte franger la pente des toits bleus.

Nul bruit, nul vol d'oiseau. La terre se repose
Sous le linceul épais des flocons lumineux
Que l'astre des couchants couvre d'un baiser rose.

dimanche 1 décembre 2024

Blanche Lamontagne • L’étable | Les rendez-vous du vers






L'étable




Blanche Lamontagne





 — « C’est l’heure de donner à manger à nos bêtes »,
Dit le maître. Aussitôt on s’est mis au travail.
L’un donne de la paille au plus petit bétail
Dont on voit s’agiter, au fond, les jeunes têtes.

Puis un autre est allé chercher, sur le fenil,
La ration de foin vert, et sentant la plaine,
Pour la vache au poil roux, l’agnelle à longue laine,
Et la vieille jument dont le poulain hennit.

Alors, ces bons chevaux, aux fortes encolures,
Et les bœufs somnolents dont les yeux semblent verts,
Lèvent leur tête large, aux naseaux entr’ouverts,
Et les chaînes d’acier roulent sur les barrures !...

Ensemble, on les entend ruminer doucement.
Ils mangent. Leur bonheur a réjoui l’étable.
La toile d’araignée, au plafond est semblable
Aux cordes que l’on voit aux mâts d’un bâtiment.

De ci, de là, l’on voit paraître entre les crèches,
Un front rouge et des yeux d’un bleu resplendissant :
C’est la vache de race, et le cheval pur sang
Dont le regard s’emplit d’un désir d’herbes fraîches !

Maintenant le troupeau s’apaise. Un air de paix
S’étend partout, suivi de l’ombre souveraine ;
Et les bêtes, l’œil fixe et limpide, reprennent
Ce rêve intérieur qui ne finit jamais !...

Paul Hauchecorne • Le brassage | Les rendez-vous du vers