Un arbre
Édouard Michaud
C’est un acacia splendidement monté
Parmi les toits, sous ma fenêtre et que l’été
Lui fasse un vert manteau mouvant ou que l’automne
L’effeuille, feuille à feuille, au ciel fin qui moutonne,
Il élargit mon humble horizon citadin.
Calme, il a l’air d’un roi, mais la brise soudain
Passe, alerte, à travers sa flexible ramure,
Et l’arbre harmonieux se répand et murmure,
Semblable à des flots verts brusquement déliés.
Quand le large vent d’ouest se heurte aux troncs pliés
Et que l’orage au loin a des voix qui s’irritent,
Alors que les oiseaux par vols directs s’abritent,
Je l’ai vu se cabrant, battu d’averse, et fort
Et souple, tenir tête au vent fougueux qui tord.
Et comme il était beau dans cette lutte, athlète
Dont la face ruisselle et dont le flanc halète,
Mais qui, sachant autant se soustraire qu’oser,
Peut subir l’ouragan sans en être brisé !
Et je l’aime surtout par les soirs lents et vastes
À l’heure où constellé d’éclaboussures chastes
Qui sont l’éveil léger d’astres prêts à surgir,
Il dresse sur la ville enfin lasse d’agir
Et qui, spirituelle, à rêver se hasarde,
Un front d’or où le jour, traqué d’ombre, s’attarde.