À Saint-Georges, à fin juillet,
Tous les faucheurs sont en campagne.
Dans les chemins de la montagne,
Sous les arceaux de la forêt,
Strident et sec claque le fouet
Que le cri du maître accompagne.
Genoux pliés, tête en avant,
Accrochant leurs sabots aux pierres,
À travers rocs et fondrières,
Les chevaux montent, bien souvent
Jusqu’aux sommets nus où le vent
Court au-dessus des sapinières.
Là le faucheur, les pieds ouverts,
Scande sa marche machinale.
La faux, d’une mesure égale,
Oscille, en jetant des éclairs,
Tandis que les insectes verts
Tombent avec l’herbe natale.
La faneuse vient. Son chapeau,
À coups pressés, à grands coups d’aile
Frappe l’air vif qui le querelle.
Moulant comme dans un drapeau
Son corps, le souffle du plateau
Tord ses vêtements autour d’elle.
Au râteau le blanc liseron
Enchevêtre fleurs et liane.
L’abeille à l’aile diaphane
Suit les fleurs au tas frais et rond
D’où la faneuse d’un coup prompt
Rejette l’acre gentiane.
— Eh ! là bas ! Amenez le char !
La fauche est finie et bien faite :
Du grillon on voit la retraite.
Mais il fait soif ! — Sous un fayard
Le vin de fruit est à l’écart.
Le faucheurs vont lui faire fête,
Les faneuses qu’attire peu
L’eau de leurs cruches échauffées,
La joue ardente, décoiffées,
Voudraient bien sur leur lèvre en feu
Presser la coupe du lac bleu.
Il est passé le temps des fées !
Les rameaux d’honneur sont plantés.
On part ; on dit : la charge est belle !
Comme un oiseau qui traîne l’aile
Par les chemins, des deux côtés
Des larges brancards cahotés,
Le foin jusqu’à terre ruisselle.
Mais au front des jeunes faucheurs
Il pleut des étoiles. Mystère…
Sur le char, là-haut, loin de terre,
Les faneuses, ces tendres cœurs,
Blottissant leur troupe légère,
Sur les garçons jettent des fleurs.